ELLE
film catastrophe en permanence dans son corps
pauvre fille complètement larguée
je suis en train de fumer un pétard
mauvaise fille, salope
la douleur après
elle (sa meilleure pote) sait d’où je viens
la douleur d’être avec quelqu’un qui vous veut du mal
son vécu lourd pèse sur son corps fragile, comme une carapace
être toujours dans le rouge, manquer de souffle
je te demande de regarder l’intérieur et toi, tu regardes le sol
si on s’oublie ça ne peut pas marcher
vulnérable
fragile
la toile vide peut tout porter pas Elle
son seul bagage, cette robe unique, dégradée et déchirée comme Elle, encore neuve et déjà usée, comme Elle
sur son visage, les traces de la dernière nuit, le maquillage effacé, mascara qui coule, sous une épaisse couche de poudre le bleu profond de ses bleus ressurgira impitoyablement à la surface
escarpins verts usés, petit sac à mais en cuir écaillé, pas le temps de faire les valises, elle a dû tout quitter en urgence, encore une fois, elle est partie telle qu’elle, au milieu de la nuit
être toujours nulle part
personnage volontairement artificiel
LUI
mauvais « vieux » garçon, à la sensibilité fragile de Kurt Cobain ou Woody Harelson, veste en cuir, crâne rasé, large ceinture à boucle, chemise synthétique près du corps musclé
voici ma chambre, j’ai aéré toute la journée
je rentre chez moi, j’ai pas le droit ?
une soirée de merde, c’est ma copine, elle m’a fait un putain de plan à l’envers
j’ai l’air gentil non ?
un pote me demande de t’accueillir, je t’accueille c’est cool que tu sois là
il casse un objet, putain, je n’ai pas envie de me calmer
pas de copain ? un plan cul ? je te choque ?
en pleine nuit, tu vas aller où ?
il n’y a plus personne qui attend d’être amoureux pour baiser
j’aimerais être clown hospitalier
ma mère s’est barrée de chez nous du jour au lendemain, j’avais 16 ans, il y avait un mot sur le frigidaire
je cris pas, je chiale, t’es contente ? tu m’as fait chialer
EUX
on est des victimes tous les deux
deux béquilles
elle joue Elle, il joue LUI
semblables et différents, une mi-putain et un pauvre type à la Nan Goldin, il est beaucoup plus sensible qu’il le prétend, elle est beaucoup plus profonde qu’artificielle
Lui, abandonné par sa mère idolâtrée, Elle à charge d’une mère bipolaire
ils se soignent et se détruisent mutuellement
il lui roule une pelle, Elle le gifle en criant
il lui tend la bouteille de vodka, ils la boivent à la bouteille
on est handicapé des sentiments, c’est tragique
il n’y a plus qu’à attendre
Renata Gorka.
(photos: Nan Goldin)