« La voix populaire a souvent fait condamner des innocents sous l’effet de colère ou l’envie. La calomnie est un art très répandu car chacun cherche à se faire une place au détriment de ceux ou celles qui sont déjà installés. »
(Philippe Madral)
Le 1er juillet 1766 à Abeville en France dans le temps « du siècle des Lumières » ou Voltaire venait de publier son « Dictionnaire philosophique », un jeune noble de 18 ans meurt suite à la décapitation publique. Condamné à mort sans la moindre preuve ni aveu, « pour avoir tenté de tuer Dieu dans son image ». Pourtant Dieu est immortel.
Dès la première lecture de cette pièce puissante, basée sur le fait divers authentique, j’ai décidé de construire l’espace contemporain et « piéger » son public avec les costumes d’époque et ainsi retrouver une distance nécessaire. Il faut toujours regarder les choses à une certaine distance afin de pouvoir mieux s’identifier ensuite. Le rassurer en quelque sorte que cette époque barbare est bien révolue et n’a rien à voir avec l’homme tolérant et avisé du siècle de « Néants et du Laid ».
… Pardon… « Des Néons et du LED ». (en référence au « siècle des Lumières »)
Il est facile de provoquer la révolte de masse affamée et inculte, en puisant dans son ignorance. Il est par contre tordu et pervers sortir les différentes accusations sous la couverture de la loi, pour « réparer l’orgueil » des hommes haineux. Puisque l’histoire de la dénonciation qui se termine par la mise à mort publique n’est qu’une conséquence de l’amour propre d’un médiocre bureaucrate respectable. Il saura utiliser tout son petit pouvoir pour humilier l’autre, profiter aisément du système où « la loi nous autorise à poursuivre des suspects sur de simples présomptions ».
Comme en 2021.
L’assesseur Duval sera aussi rapidement gratter de nombreux témoins des faits qui n’ont jamais eu lieu, faciles en plus à intimider, pour transformer la fiction en réalité. Des « braves gens » en quelque sorte.
L’univers du Blasphème est froid, distant inhumain et clos. Comme l’architecture de la ville contemporaine et de ses espaces verts. Ce seul et même lieu d’amour innocent, d’amitié inflexible, des prières sincères va se transformer sous nos yeux immobiles en endroit de suspicion, dénonciations gratuites, des dévotions grotesques. Nous serons les témoins silencieux de cette transformation inattendue. Ce monde soudainement rétrécit surveillé de toutes parts où chaque opinion individuelles devient immédiatement publique, où la majorité consomme la raison est un monde à nous.
Le monde où les exécutions publiques ont toujours leurs fervents spectateurs. Au nom de la loi bien sûr.
Nothing has changed.
Renata Gorka.
(photos: Maurizio Cattelan)