« L'Inhumain » est le mot-clef dans la pièce de Howard Barker. Son tableau « pleut de la chair humaine », il « sue des muscles, des articulations et des tibias », c’est « une plaie béante qui permet d’observer ».
Son personnage principal Galactia, femme « sadique et vulgaire » peint sans relâche « des lambeaux de chair à vif projetés vers le ciel », ne « mentionne nullement le triomphe » (« le triomphe de quoi ? » dira-t-elle). Mais elle sali la victoire et transforme l’ennemi en victime. Galactia ne peint pas, elle exécute la vérité de ses propres visions.
Dès la première lecture de ce texte exceptionnel, je savais que je ne pouvais pas le réduire à une toile couverte de couche de peinture par les comédiens tout au long de la pièce. Mon « tableau » scénographique, c’est avant tout un espace de jeu et de confrontation.
La toile de Galactia est représentée d’abord par un immense (8m x 4m) écran en miroir sans teint, perdu dans le vide froid du sol en cuivre. Sa surface réfléchissante permettra aussi bien de montrer en direct, les projections d’horreurs humaines, que de renvoyer, grâce à son inclinaison, les situations mises en scène au sol. La matière de l’écran nous donnera également la possibilité d’observer ce qu’il se passe derrière la toile. Le vertigineux échafaudage qui s’y trouve derrière, nous fera plus penser à un échafaud. Le tableau de Galactia, cet immense écran, pourra disparaître un moment dans les cintres, mais le cauchemar ne s’arrêtera pas pour autant. Rien dans cette gigantesque structure métallique ne sera confortable pour le comédien. Il pourra par contre, y raconter aisément, l’horreur de la guerre. L’espace offrira aux personnages la possibilité de s’accrocher, de se suspendre à une hauteur vertigineuse, de se poursuivre dans ses passages étroits et sombres, de se battre jusqu’au (faux) sang, et peut-être, finir par s’exécuter.
Inéluctablement et inévitablement, tout au long de la pièce, le tableau dénudé enfin, (sans l’écran) avancera vers nous, le public. Galactia n’a jamais été en paix avec la vie, elle refuse d’endormir sa conscience, elle veut peindre le cauchemar qui nous entoure de si près, montrer la douleur à vif, faire voir sans avoir vu, rendre responsable, combattre l’indifférence, quitte à se mettre en danger de mort.
Faisons de même.
Renata Gorka
