Moresnet c’est-à-dire « neutre » c’est un pays minuscule comme un confetti, fondé juste après la défaite Napoléonienne, entre deux puissances écrasantes, la Prussie et les Pays-Bas. Cinquante maisons, 250 habitants et 3,44 km2, voilà en quoi se compose un des plus petits états indépendants du monde, après Monaco et la Cité du Vatican.
Ce petit triangle délimité, militairement libre, sera pendant quelques décennies un coin de paradis dans le monde secoué par les conflits incessants. Il deviendra le refuge de jeunes mères-filles exclues par la société, l’oasis des pacifistes fuyants le service militaire obligatoire dans leurs pays. Bars, bordèles, distilleries, vont vite s’installer dans cet Eldorado des pauvres où l’esperanto deviendra la première langue officielle. Malheureusement, Moresnet c’est aussi le premier producteur au monde du zinc, ce qui va entamer le conflit incessant d’appartenance.
« Zinc » c’est l’histoire d’Emile Rixen, usé de façon précoce, qui n’a jamais quitté sa minuscule patrie, qui « n’a pas traversé les frontières, ce sont les frontières qui l’ont traversées ».
Assis la plupart du temps devant sa fenêtre, occupé à couper les poireaux ou à éplucher les pommes de terre, ce seul fils de mère-fille, deviendra un jour prisonnier de guerre dans laquelle il n’a jamais participé. Sa femme, Jeanne, refusera la croix d’honneur des mères allemandes pour avoir pendu le nombre exceptionnel des enfants aryennes.
Sur le plateau de zinc, trois personnages anonymes arrivent. Ils n’ont rien ou presque : que des sacs sur leurs dos voutés. Ils s’y installent et vont s’y construire peu à peu avec le temps, ils n’ont pas peur, ces gens là sont habitués qu’un jour on peut tout perdre de toute façon.
A l’image de Tadeusz Kantor et son théâtre du pauvre, ces personnages vont raconter l’essentiel : leur existence brève et intense, où, quoi qu’il advienne on se construit avec le temps. Ce sont ces gens-là, sans histoire et sans récompenses qui bâtissent généralement le monde.
Renata Gorka.
(photos: Tadeusz Kantor)
